· 

La guerrière a pris cher

Elle a bien fanfaronné la guerrière ! Tout allait bien avec ce traitement qu'elle prenait depuis un an et demi.

Enfin non, pas tout. Elle subissait quelques effets secondaires. Chaque nuit était devenue maritime. Elle avait pris pour habitude de disposer quatre t-shirts sur la tête de son lit pour pouvoir se changer dans la nuit. Elle transpirait, toujours aux mêmes endroits, sur le torse entre sa poitrine, entre les cuisses et parfois sur le front et à la racine du crâne. Son sommeil déjà pas fameux depuis l'adolescence est devenu océanique version tempête. Elle se réveillait aussi avec des douleurs à la mâchoire qui se crispait dans la nuit.

 

Ainsi donc, elle en eut ras la casquette et décida d'arrêter son traitement. Et puis de toute façon elle allait plutôt bien et se disait qu'il ne lui faisait rien. Elle pourrait s'en passer et puisque son psychiatre doutait de l'origine médicamenteuse de ces effets, elle se passerait donc de son avis. Elle n'avait plus du tout de phase maniaque, quelques descentes oui mais rien de grave.

 

Convaincue par les effets du jeûne par une amie, elle accepta d'y participer. Dix jours de préparation avec diminution progressive des aliments, sept jours de jeûne avec deux bouillons clairs par jour pour tout repas et une semaine de remontée avec réintroduction progressive des aliments. Elle arrêta bien entendu son antidépresseur parce que " quand tu jeûnes, tu détoxifies et donc ton traitement toxique n'est pas bon. " Elle est plutôt alerte comme fille, et hyper vigilante quant à toutes ces pratiques alternatives, mais pour une fois, elle accepta cette expérience pour pouvoir concrètement en parler ensuite. Son antidépresseur était légèrement dosé et son arrêt n'aurait sans-doute pas d'incidence négative.

 

Elle en a chié la guerrière. La sensation de faim ne l'a pas quitté et une énorme fatigue s'est emparé d'elle. Elle n'avait plus de jus, souffrait des jambes, avait envie de dormir et d'être seule. D'ailleurs, elle fût la seule à être dans cet état. Les autres allaient marcher chaque matin, pratiquaient le yoga et semblaient tirer bénéfice de ce jeûne.

 

Les semaines qui suivirent furent très difficiles. Elle avait perdu 7 kg et en reprit 3 ou 4. Les douleurs dans les jambes disparurent au bout d'un mois. Ses traits étaient tirés, elle avait clairement une sale gueule. Son état psychique se dégrada de plus en plus. Plus de jus, plus le moral, la dépression s'installa tranquillement mais sûrement.

 

Cela faisait donc 6 mois qu'elle ne prenait plus son traitement. Alors bien sûr, elle retourna voir son psychiatre qu'elle avait délaissé la fanfaronne !  Aidez-moi docteur, je suis très mal, je ne parviens pas à remonter !

 

Elle est drôle cette guerrière, il faut toujours qu'elle se rétame pour comprendre. Cette fois-ci, elle réalisa un truc essentiel :

pourquoi avait-elle jugé que son traitement ne lui faisait rien ? Avait-elle bien pesé la balance bénéfice-désagrément ? Comment avait-elle pu être si naïve ? Et si c'était ce traitement qui l'avait tout simplement stabilisée ?

 

Quand tu es bipolaire, tu n'es pas habitué à l'état stable, ou très peu. Ainsi donc, lorsque tu l'es, tu accuses le traitement de "ne rien te faire ". Ben oui, c'est la logique du bipolaire ça ! Il doit apprendre progressivement ce que c'est que d'être stable et comprendre que c'est une bonne chose. L'état stable n'ayant rien d'extraordinaire, il pense qu'il ne se passe rien. Plus de montagnes russes, plus d'émotions intenses, plus de projets avortés, plus d'extrême dévalorisation, plus de prises de risque, plus de, plus de, plus de...

 

Ce qui fut particulièrement douloureux également, ce fut de se sentir une nouvelle fois différente des autres. Elle ne pouvait pas dire du bien de ce jeûne contrairement à celles qui le prônaient et qui étaient porteuses d'un discours positif. Elle se sentit comme le mouton noir de l'histoire. Elle se prit en conséquence des remarques telles que : " Tu n'étais sans-doute pas prête psychologiquement ", " C'est parce que tu as plus de toxines que les autres ", " tu ne sais que critiquer "... Elle sentit qu'il lui serait bien difficile de s'exprimer publiquement sur le sujet du jeûne tant elles étaient sensées en dire du bien pour le promouvoir. Elle le fit quand-même, à titre personnel avec toute sa sincérité, mais vous savez bien que les gens aiment qu'on leur dise ce qu'ils ont envie d'entendre. Les mauvaises expériences ne les intéressent pas. Puis c'est à la mode le jeûne thérapeutique, dire qu'on en a chié et qu'il vaut mieux qu'il soit encadré par un médecin, un psy et un nutritionniste, ça ne se fait pas.

 

Résultat : la guerrière a repris son traitement de manière progressive, elle traverse une horrible étape car son corps doit se réhabituer. Son dos est mâché, on lui a roulé dessus et ses nuits redeviennent maritimes. Elle est en dépression et ne trouve aucune branche à laquelle se raccrocher, excepté celle du merveilleux amour qu'elle vit depuis plus de deux ans. Sans ce soutien, elle serait hospitalisée.

 

La guerrière a pris cher, que ça lui serve de leçon ! Depuis le diagnostic il y a 6 ans, elle en apprend beaucoup mais ce chemin est truffé de doutes, de remises en question, de non acceptation, de regrets, de tristesse, de reprise de confiance, d'expérimentations. Sa vie n'est plus la même et il va bien falloir l'accepter et la repenser. Elle souffre aussi d'isolement, affirme que son suivi n'est pas suffisant et se sent trop mal accompagnée sur le plan social. Quand elle va bien, elle parvient à se rendre utile, à créer, à transmettre, à projeter et réaliser. Quand elle va mal plus rien ne fonctionne.

 

A toutes les guerrières et les guerriers et à tous leurs proches. Courage et persévérance !

Écrire commentaire

Commentaires: 8
  • #1

    Djoudi (mercredi, 06 février 2019 22:30)

    Courage la guerrière !...
    Quelle lucidité malgré les obstacles !...
    Bravo !...la route est vraiment très longue mais tant qu'il y a de la lucidité il y a de l'espoir !
    Merci pour ce témoignage .....

  • #2

    Bipaulette (mercredi, 06 février 2019 22:55)

    Oui ! Yalla ! Merci mon âme amie.

  • #3

    Mado (jeudi, 07 février 2019 11:47)

    Très beau témoignage mais les symptômes que tu décris ressemblent à ceux de la ménopause (fatigue, dépression, sueurs nocturnes, douleurs, mâchoires qui crispent etc..) je viens de regarder et c'est exactement le même tableau clinique, tu devrais chercher de ce côté là peut être.

    Bisous

  • #4

    Bipaulette (jeudi, 07 février 2019 11:59)

    Alors chaque année je fais un bilan et non, point de ménopause ! Une fois le traitement arrêté ces symptômes avaient disparu.

  • #5

    Abdeljabbar (samedi, 09 février 2019 19:28)

    En tisant je me demande si ton écran cérébral n'a pas sauté sous l'effet de ce flux de mots, le moins qu'on puisse dire, sont des obus perforant toutes les barrières intérieures et extérieures.Chapeau bas pour ta lucidité! Ta souffrance,peinte avec tes mots(et quels mots!) devient musique...Tendres amitiés!

  • #6

    Abdeljabbar (samedi, 09 février 2019 19:42)

    En te lisant,....

  • #7

    bipaulette (mercredi, 13 février 2019 10:29)

    ah ah !! merci cher Abdeljabbar, vos mots sont pas mal non plus !

  • #8

    tazz (samedi, 23 mars 2019 12:02)

    mon amie la battante matata je suis encore toucher la au moment de mes mots des larmes de bonne larme je te les envoie ces larmes d amours mon amie je pense a toi je suis avec toi je t aime je tire mon chapeau de ton combat dancedancedance et danser maintenant bisettes je vous aimes tazz tazzy