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#Balance ton corps !

Tout est propice à faire naître des réflexions en moi. 

Cet article-ci part d'une anecdote qui, après m'avoir déclenché un fou rire, ne m'a pas semblé si anodine.

 

Lors d'une discussion avec mon homme, sur l'actualité brûlante de l'affaire Weinstein, il m'avoua qu'il avait compris, en écoutant la radio :

" Balance ton corps " au lieu de " Balance ton porc ".

 

Evidemment, le plus drôle fut lorsqu'il me confia son étonnement, sa grande incompréhension à l'écoute de ce " balance ton corps " et toutes les questions que cela suscita en lui. Mais qu'est-ce que voulait bien dire balance ton corps ???  Ce fut plus drôle encore d'imaginer sa tête lorsqu'il eut enfin compris  qu'il s'agissait d'un porc...

 

# Balance ton Corps : de suite j'ai adopté ce nouveau slogan, sans trop savoir pourquoi, je l'ai trouvé génial. Drôle tout d'abord, puis cette référence au corps indéniablement au centre du débat.

 

Mauvaise compréhension ou lapsus inconscient, je l'ignore, mais toujours est-il que ce mot pris pour un autre avait toute ma considération.

 

 

De Balance ton Porc à Balance ton Corps

 

Ma perspicacité d'analyse a de suite mis en évidence la répétition du mot balance. (C'est normal, j'ai un BAC Littéraire).

Puis très finement ma grande intelligence a saisi le jeu d'assonances du mot Porc  avec Corps, au point tel qu'ils peuvent être confondus, comme ce fut le cas dans ma petite anecdote.

 

Pour la danseuse que je suis, il est évident que rien qu'à l'écoute du mot balance, tout un tas d'imagerie m'apparaît, en premier lieu celle du corps. Mais bon, suivi du mot porc, je redescendis de 10 crans. Car si je sais (car je suis extrêmement instruite), qu'une vieille tradition espagnole balance un âne du haut d'une église, je n'ai pour autant aucune connaissance de cette tradition française qui balancerait un porc de je ne sais où ! Et pour quel motif s'il vous plaît  ?

 

Très vite, (car j'ai un Q.I dont je tairai le score par humilité) , le nom Weinstein remit de l'ordre dans mes neurones  afin que je comprenne le sens de tout cela.

 

Me sont ainsi apparus simultanément le doux visage de l'agresseur pervers et la douce truffe d'un porc. Je ne sais pas si le porc est pervers mais je sais qu'il est sale, voire dégueulasse parce qu'il bouffe tout ce qu'il trouve; ses victimes n'ont pas le temps de dire non.  

Donc, ça se tient à peu près et j'avoue que l'idée de le balancer m'a provoqué une petite montée d'adrénaline qui, à l'heure où tu écoutes les infos en sillonnant les jolies petites routes de ta campagne, est disons-le, comme ce léger frisson qui te saisit au rayon surgelés un jour d'été. 

 

" Ah ouais, chacune est invitée à balancer son agresseur, ok ok... ". Bon là, mon esprit critique bien connu s'est mit en branle et je me suis dit :

" Que leur parole se libère, c'est vraiment super, mais faire de la délation sur des réseaux sociaux en donnant des noms... je ne cautionne pas."

Je ne valide pas non plus le choix des mots balance et porc. J'aurais remplacé balance par libère, et porc par parole, mais bon, libère ta parole c'est moins violent et je comprends l'intérêt de renvoyer aux responsables des violences faites aux femmes, la violence des mots.

 

De la confusion jaillira la vérité !

 

Balance ton porc devenu balance ton corps dans la bouche sensuelle de mon homme, cette confusion vint apporter un peu de légerté dans le débat. Et c'est sans- doute là la magie de l'humour, c'est d'apporter soudainement du rire là où tout est bien pourri et révoltant. Un débat qui me touche tellement que j'en ai pondu un texte que certains ont trouvé trop ou juste très cru, mais qui en tout cas a fait réagir les hommes qui l'ont lu.

 

 

La simple évocation d'un corps se balançant me ramena dans ma zone de confort, le corps en mouvement, l'énergie du corps, le corps dansant... le corps vivant. Ce corps qui me passionne autant que la tête, ce corps-cerveau, ce corps réagissant à toutes les émotions, ce corps qui parfois crie et parfois se tait, ce corps qui devient parfois le berceau du drame...

 

Balancer son porc pour pouvoir balancer son corps. 

Libérer la parole pour libérer le corps. 

 

Lorsque le corps est agressé, violé, il garde en lui les stigmates de ce traumatisme. Il faut savoir que pour se protéger en cas d'agression sexuelle, la victime se divise en deux, sa tête et son corps se désunissent. Le mental disparaît et seul le corps est en présence. C'est comme si ce corps offert aux chiens n'appartenait plus à la victime. Elle se dédouble.

 

Souvent, la victime refoule d'ailleurs ce souvenir traumatique, d'où son impossibilité à dénoncer son agression. Et c'est sans compter le poids d'une culpabilité alimentée par la morale judéo- chrétienne qui en plus de faire de toi une victime fait de toi une paria ou une menteuse. 

 

Parler et dénoncer sont par conséquent les premiers pas à effectuer pour se défendre et se réparer. Se confier au plus vite pour éviter le refoulement et dénoncer son agression par la voie de la justice pour que cette parole soit entendue, reconnue, défendue. Le corps pourra ensuite se reconnecter au mental et danser sa vie.

 

# Balance ton corps est peut-être la suite de # balance ton porc ? 

 

Je l'espère, du fond des âges, du fond de la grotte où je me réfugie parfois, du fond du ventre de la femme qui m'a portée, du fond de mon utérus heureux de vivre et de jouir, je souhaite que le corps de chaque femme abusée redevienne un merveilleux paysage à découvrir, un espace indépendant dont les intimes frontières sont à respecter sans que nous en fassions débat.

 

Mais pour y parvenir, tentons de ne pas demeurer dans nos jugements respectifs, donnons la parole aux femmes et aux hommes, éduquons nos enfants au respect du corps et de l'intimité. En principe, seul l'enfant de 3 ans ne comprend pas le NON.

 

#Balance ton corps !

 

 

Pour aller plus loin, on peut lire cet article : Avoir un corps ? Valentin Nusinovici : https://www.cairn.info/revue-journal-francais-de-psychiatrie-2006-1-page-4.htm#

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    KLOE (jeudi, 30 novembre 2017 22:55)

    Je ne suis pas réjouie non plus de la formule" Balances ton porc" qui déshumanise l'homme en général en réponse peut être à la position d'objet de la femme dans laquelle elle est placée lors de ces agressions.
    Mais je me pose une question cruciale et qui pourrait être un bon titre de chanson "Mais que font les femmes?"
    Loin de moi l'idée de culpabiliser les femmes mais ce soit disant pouvoir des hommes sur les femmes, qui le leur donne si ce n'est pas également les femmes?
    Pourquoi continuons nous à avoir peur? Pourquoi continuons nous à leur attribuer plus de force physique, plus d'autorité naturelle dans l'éducation, plus d'intelligence dans les affaires, plus de résistance, plus de , plus de !!!
    Ah ce plus qu'ils ont et que nous n'avons pas n'est ce pas? En tous les cas cela n'a pas fini par pousser chez nous !!
    Leur pouvoir c'est le phallus, mais ils ne le possèdent pas vraiment puisqu'il s'agit d'un pouvoir hautement symbolique et non pas d'un pouvoir ou d'une force dans le réel.
    Il s'agit d'un abus de pouvoir symbolique qui se transpose dans la réalité et qui fait donc effraction dans le psychisme et dans le corps.
    Le risque est grand de voir se creuser le fossé entre hommes et femmes et que la guerre des ses se déplace sur un autre terrain.
    Ne faut-il pas penser tout cela au delà des identités sexuées?
    Je remarque qu'il est plus facile de balancer son cochon que son grand méchant loup qui se cache dans les bois attendant le passage du petit chaperon rouge ( comme le rouge est excitant!).

  • #2

    Bipaulette (vendredi, 01 décembre 2017 08:55)

    Je dirais plutôt : Mais que font les mères ? Merci pour ton commentaire Kloé.